Note publique d'information : En France, la presse quotidienne estime que près de 300 à 400 salariés se suicideraient
sur leur lieu de travail chaque année (Lauer, 2007). Ce nombre apparaît largement
sous estimé. Dejours (2005) dénonce l'inquiétant manque d'explications convaincantes
pour les cas de suicide au travail, véritable révélateur du mal-être social. En effet,
la littérature sur ce sujet porte majoritairement sur l'analyse du travail et de son
organisation et moins sur la clinique du sujet souffrant qui sera mise au centre de
notre recherche. C'est au titre de notre expérience de psychologue clinicien que nous
sommes allés à la rencontre de patients qui ont traversé une partie du processus suicidaire
(fortes idées suicidaires, planification du suicide, tentative de suicide) et dont
ils imputent subjectivement la cause à leur travail. En légitimant le pouvoir de la
parole, nous tentons de comprendre, à travers leur discours, de quelle manière le
passage à l'acte suicidaire est à relier au contexte ou aux conditions de travail.
Dans le cadre de suivis psychologique de 19 patients venant de catégories socioprofessionnelles
diverses, nous avons réalisé des entretiens non-directifs d'environ 45 minutes sur
une durée d'un à quatre ans. Des prises de notes ont été effectuées durant les rencontres
ainsi qu'une retranscription immédiate dans l'après-coup. Nous utilisons l'analyse
qualitative des travaux de Giorgi (1985) en psychologie phénoménologique qui consiste
au regroupement, en unités de sens, des thèmes principaux évoqués durant les entretiens
dans l'objectif de relever les invariants. Nous avons analysé le sujet souffrant sous
ses différents rapports : à soi, aux autres, au temps et au travail. Nous cherchons,
à travers notre étude, à comprendre ce qui fragilise le plus l'individu et qui va
déclencher la tentative de suicide. Face aux nouvelles organisations de travail, les
conditions, le type de management et les relations interpersonnelles dans le collectif
émettent bien souvent une détresse psychique chez le travailleur. Ils touchent le
sentiment identitaire du sujet, notamment dans le cas d'un fort engagement dans le
travail, amenant à un besoin de reconnaissance inassouvi, à un sentiment de non-appartenance
au collectif et peut réveiller une faille narcissique déjà présente depuis l'enfance.
Le travail est rapporté par l'individu comme étant la "goutte d'eau" d'un vase déjà
pré-rempli de difficultés personnelles, l'amenant à tenter de se suicider. Notre recherche
met, de plus, en exergue que les pratiques de type harcèlement moral au travail suffisent,
à elles seules, à déstabiliser l'ensemble des rapports du sujet, et que la planification
ou le mode de passage à l'acte est également plus violent, en fonction du sentiment
d'injustice ressenti. Notre recherche apporte un regard essentiellement clinique,
mais souligne aussi l'intrication complexe entre les domaines économique, social et
psychologique. Il existe une réelle nécessité des actions de prévention dans ce domaine,
et d'actualisation des formations des services de santé au travail à la prise en charge
de ce type de troubles psychologiques.
Note publique d'information : In France, 300 to 400 workers would die from suicide while being at work each year
(Lauer, 2007). This dramatic figure seems to be underestimated and dejours (2005)
highlights the lack of clear explanation of theses cases of on-the-job suicide that
could be linked to social anxiety or discomfort. Indeed, the literature on this theme
relates primarly to the analysis of work and its organization and not on the clinical
psychology of the suffering subject on which we focus at our research center. As trained
clinical psychologists, we met patients with suicidal behavior subjectively related
to work. We emphasized on clinical interview to try to understand, through their speech,
the causes underlying their intense suffering leading to suicide attempt and how it
could be linked to the workplace conditions. 19 patients from various social and occupational
groups have been followed-up through 45 minutes non directive interviews during a
year and handwritten notes were typed-up at the end of each session. We used the qualitative
analysis of Girogi (1988) work in phenomenologic psychology which consists in several
reading and gathering in units of significance the main topicsevoked during the talks.
We could identify three main topics i.e. personal, professional and social and we
tried to identify which one could weaken the patient or lead to suicidal attempt.
New work organization, conditions and style of management and interpersonal relationships
in the community often cause psychological distress among the workers. They touch
the identity feeling of the subject, bringing to a feeling of exclusion from the work
group and can awake a narcissic failure already present since childhood. If this one
could not be elaborate, this suffering can carry out to suicidal behavior. Work brings
the difficult construction of the regard of oneself, its stakes and its dead ends
(Huez, 2003). When badly lived at work conflicts blend with private life, they can
become pathological (Clot, 2002). Would the depression replace an inability to "being-in-the-world",
which an lead to suicide when that becomes an impossibility to exist ? Work is reported
by the patient as being the "last straw" leading them to try to commit suicide, reflecting
the psychological defect, the personal sphere having already been previously collapsed.
The social sphere acts like pressure on the other spheres (personal and professional)
with the idea that social conditions do not allow "dream" anymore, because of the
current economic system (rise of the oil price, lowers purchasing power etc), they
can, consequently, generate a true social distress weakening the individual. Further
results will come as the study is still going on about workplace bullying leading
to specific suicidal attempt.