Note publique d'information : Parmi les écrits du compositeur viennois Arnold Schoenberg, nombreuses sont les occurrences
d’un concept d’idée musicale [musikalische Gedanke] dont l’emploi polysémique paraît
problématique à bien des égards. Celui-ci peut en effet se rapporter à l’oeuvre entière
aussi bien qu’à une simple partie de sa forme, mais encore n’être qu’un objet possible
de la nature dont la forme historique est elle-même contingente. Or, au-delà d’un
usage commun issu de la terminologie formaliste du XIXe siècle, l’idée musicale est
manifestement portée ici par une démarche réflexive, ni résolument prescriptive ni
seulement descriptive, dont la cohérence et la portée peuvent être révélés par une
étude compréhensive des quelques manuscrits – rarement explorés et jamais édités en
langue française – où se réunissent les observations d’un compositeur soucieux de
déterminer les lois d’une pensée « purement musicale ».À l’époque de la Première Guerre
Mondiale, toute une décennie durant laquelle se joue pour Schoenberg un retournement
à la fois esthétique et idéologique, les bouleversements historico-culturels accompagnent
la révélation de la nature problématique d’une relation de sons pour « qui attend
mieux de la musique qu’un peu de douceur et de beauté ». Car en effet, si les premières
oeuvres atonales avaient été vécues comme une libération, comme une émancipation vis-à-vis
de contraintes imposées de l’extérieur et constituant autant d’entraves à un idéal
d’expression, bien vite se fit jour la question de la com-position, de sa possibilité
logique. En ce sens, si le retrait de la tonalité a pu se justifier comme l’aboutissement
d’un processus historique, il s’est révélé a posteriori n’être que l’acte inaugural
indispensable d’une véritable pensée critique en musique, celle qui entreprend d’accorder
l’art des sons aux principes et limites de la raison humaine. L’emploi schoenbergien
de l’idée musicale révèle alors une pensée universelle de la relation musicale – tonale
ou non –, développée selon une stricte analogie avec les formes discursives de la
connaissance en général. Loin de ne refléter alorsqu’un système compositionnel personnel
ou la technique spécifique d’une école, celle-ci déborde largement du champ musical.
Par ce qu’elles impliquent logiquement au sujet de l’unité, de la représentation ou
encore du temps, les réponses suggérées par le compositeur manifestent une profonde
affinité avec une modernité critique qui interroge le penser au temps de la crise
de l’idéalisme
Note publique d'information : Many of the writings of the Viennese composer Arnold Schoenberg deal with an ambivalent
concept of musical idea [musikalische Gedanke] whose occurrences seem problematic
in many ways. It may indeed relate to the entire work as well to a simple part of
its form, but it can also be a possible object of nature whose historical form is
itself contingent. However, beyond its common use coming from the technical terminology
of the nineteenth century, the musical idea is clearly driven here by a decidedly
reflexive approach, neither purely prescriptive nor only descriptive, whose scope
and consistency can be exposed through a comprehensive study of the few manuscripts
– seldom investigated and never published in French – where are gathered the observations
of a composer concerned about the laws of a “purely musical” thought. At the time
of the First World War, a decade during which occurs for Schoenberg an aesthetical
and ideological reversal, historico-cultural changes accompany the revelation of the
problematic nature of a relation of sounds for who “expects better from music than
some kind of sweetness and beauty.” Indeed, if early atonal works had been experienced
as a liberation, an emancipation from external constraints, obstacles to an ideal
of expression, promptly emerged the issues of com-position, of its logical possibility.
In this sense, if the withdrawal of tonality may have been justified as result of
a historical process, it has been only the opening act of an authentic critical thought
in music, one that undertakes to square the art of sounds to theprinciples and limits
of human reason. Schoenberg’s use of the musical ideal then reveals a universal thought
of the musical relationship – tonal or not –, developed according to a strict analogy
with the discursive forms of conceptual knowledge. But far from reflecting only a
personal compositional system or the specific technic of a School, it goes far beyond
the musical field. Through what they imply logically about unity, representation,
time, the answers suggested by the composer show a deep affinity with a critical modernity,
one questioning the thinking at the time of the crisis of idealism