Note publique d'information : Le droit de la famille contemporain connaît ces dernières années une profonde modification
de son arsenal sanctionnateur. En première approche, ces évolutions donnent une impression
de désordre : déclin des sanctions des manquements aux devoirs du mariage, renouvellement
des sanctions des violences conjugales, résurrection de la suppression des allocations
familiales, discussion sur la responsabilité pénale des parents du fait de leurs enfants,
etc. La sanction, entendue ici comme toute conséquence juridique attachée à la violation
d'une obligation familiale, n'échappe pas à l'inflation législative générale. Au cours
des dernières décennies, le droit des sanctions a néanmoins subi des mutations spécifiques
dans le domaine familial. Composé d'une vaste panoplie de mécanismes, relevant aussi
bien du droit civil que du droit pénal ou du droit de l'aide et de l'action sociales,
le droit familial des sanctions cherche tantôt à punir, tantôt à réparer, parfois
à contraindre et, de plus en plus, à dissuader et inciter. La thèse offre une lecture
des obligations et de l'ordre public familial à travers le prisme des sanctions. Il
s'agit de s'attacher à la pertinence des sanctions, définie comme l'adéquation aux
objectifs assignés par la politique familiale et la faisabilité des sanctions du point
de vue de la technique juridique. Est-il possible d'élaborer une théorie générale
des sanctions dans le domaine familial ? Peut-on dégager des principes directeurs
qui éclairent les évolutions des sanctions en droit de la famille ? Plus précisément,
dans un contexte où les individus contestent de plus en plus l'intrusion de l'État
au sein de la sphère privée et où tout doit être consenti pour acquérir une légitimité,
y a-t-il encore une place pour la sanction ? Quels sont notamment les devoirs compatibles
avec l'individualisme ambiant et ceux qui ne le sont plus ? La thèse soutenue est
celle d'une divergence des sanctions entre deux tendances opposées. Cette divergence
conduit à une césure qui permet de comprendre et d'ordonner les évolutions en cours.
L'exploration systématique des sanctions des obligations familiales permet en effet
de découvrir une fracture grandissante du droit de la famille entre un droit horizontal
du couple et un droit vertical des relations parentales. Ces deux droits, qui autrefois
se renforçaient mutuellement par une complémentarité structurelle, se sont peu à peu
disjoints. Ils apparaissent aujourd'hui comme des droits autonomes, voire contradictoires
: leur philosophie diffère, leurs objectifs divergent et le droit tend à les traiter
de façon dissociée. D'un côté, chacun attend aujourd'hui du couple qu'il permette
l'épanouissement individuel, et ce avec le plus grand libéralisme possible. Le droit
suit cette demande sociétale, comme en témoigne le relâchement des sanctions des obligations
du mariage. Les limites de cette libéralisation horizontale existent certes, mais
elles campent à la frontière de ce que la société juge tolérable, non plus dans le
couple mais dans la pleine généralité des relations entre personnes adultes, qui n'ont
plus grand-chose à voir avec la famille. Ces limites sont donc d'ordre générique.
De l'autre côté, la pression sociétale monte en matière d'attentes dans la relation
verticale. Il s'agit non seulement d'interdire des comportements jugés inacceptables
ou déviants, mais surtout d'inciter les parents à remplir leurs missions. La société
n'entend en effet pas prendre ces missions à sa charge en se substituant à la famille,
alors même qu'elle donne aujourd'hui aux fonctions parentales une importance considérable.
Dès lors, dans ce champ vertical, toute sanction performante trouve a priori une légitimité.
Libéralisme horizontal, exigences verticales : comment concilier ces deux tendances
? C'est là toute la difficulté face à laquelle se trouve le droit des sanctions en
matière familiale.
Note publique d'information : In recent years, the body of penalties related to family law has known huge developments.
At first sight, these developments give a taste of disorder: decline of penalties
when breach of marriage duties, renewal of penalties against wife-beating, restoration
of the removal of family allowances, discussion on the criminal responsibility of
parents to their children, etc. Punishment, understood here as any legal consequences
attached to the violation of a family obligation, is no exception to the observed
global legislative inflation. Nevertheless, in recent decades, the law of sanctions
has known specific changes in the family area. Composed of a wide variety of mechanisms,
both under the civil law or criminal law right to assistance and social action, family
law sanctions seek to punish sometimes, sometimes to repair, sometimes forcing and,
increasingly, to support or dissuade. The thesis offers a reading of obligations and
public family through the prism of sanctions and punishments. It aims at focusing
on the relevance of specific sanctions, defined as the capability to achieve family
policy and the feasibility of sanctions from the point of view of legal technique.
Is it possible to develop a general theory of punishment in the field of family law?
Can we identify guiding principles that inform recent developments of sanctions in
Family Law? More specifically, in a context where individuals increasingly challenging
the intrusion of the state in the private sphere, and where constant attention is
required to guaranty legitimacy, is there still a place for punishment? Which particular
duties are still consistent with the dominant individualism and which are obsolete?
The thesis is based on an observation: a divide between two opposing tendencies. This
divergence leads to understanding and ordering the current historical developments.
The systematic exploration of sanctions family obligations makes it possible to discover
an increasing gap in family laws between on the one side an horizontal body of laws
relating to the couple, and a vertical body of laws relating to the parental relationships.
These two bodies of laws that once had been mutually reinforcing because they were
structural complements have gradually disjoint. They now appear as autonomous, if
not contradictory: their philosophies differ, their goals diverge and law tends to
treat them as dissociated. On the one hand, everyone is expecting today that the couple
life will allow individual bloom and fulfillment, with the utmost possible liberalism.
The law follows this social demand, as evidenced by the relaxation of sanctions in
marriage obligations. The limits of such liberalization of horizontal relationships
exist, but they camped at the border of what society deems tolerable, not between
husband and wife, but in full generality relations between adults. Such laws and obligations
have no longer much to do with family. These limits are of a generic nature. On the
other hand, societal pressure rises on expectations in the vertical relationship.
This is not only to prohibit unacceptable behaviors or deviant, but also to encourage
parents to fulfill their missions. Society does not intend to substitute family to
accomplish these missions. It keeps giving parental duties a considerable importance.
Therefore, in this vertical domain, any efficient punishment is a priori legitimate.
Horizontal liberalism, vertical demand: how to reconcile these two trends? Therein
lies the difficulty that faces the law of sanctions in the field of family.