Note publique d'information : La distribution actuelle des espèces d’arbres des forêts tropicales humides amazoniennes
est le résultat de processus dynamiques sur lesquels les perturbations passées, d’origine
climatique ou anthropique, peuvent avoir jouées un rôle majeur. Des outils génétiques
actuels associés à des méthodes d’analyses puissantes permettent d’inférer et de dater
l’empreinte génomique des évènements démographiques subits par les populations naturelles.
Le but de cette thèse est de contribuer à une vision d’ensemble de l’évolution démographique
de la forêt tropicale humide du plateau des Guyanes pendant le Quaternaire. J’ai d’abord
étudié les propriétés des microsatellites (répétitions simple de séquences, SSR) et
les limites de leurs applications en tant que marqueurs moléculaires en phylogéographie.
Plusieurs allèles SSR contenu dans diverses populations de trois genres d’arbres différents
ont été séquencés et le polymorphisme, porté par chaque partie des fragments ADN contenant
des SSR, a été étudié. J’ai observé que la quantité de variation génétique était aussi
importante dans les régions encadrant le microsatellite que dans le SSR lui-même.
Ces régions ont contribué significativement à l’information phylogénétique et ont
parfois été la principale source de différenciation entre les individus et les populations.
Cette expérience m’a permis de choisir la meilleure stratégie à adopter pour traiter
les données de variation génétique des SSR dans des modèles démographiques. J’ai ensuite
utilisé ces marqueurs SSR et des méthodes ABC pour étudier l’impact local des occupations
humaines précolombiennes sur les forêts en Guyane française. Les changements démographiques
subis par des populations de quatre espèces d’arbres ont été comparés entre cinq sites
occupés et quatre sites non perturbés. Les perturbations naturelles et induites par
l’homme ont contribué à la mise en place de la diversité observée actuellement, comme
le suggère des signatures d’effet fondateur détectées sur les sites perturbés ou non.
Néanmoins, la taille des populations fondatrices semble être proportionnelle à l’impact
humain estimé, indiquant que les perturbations anthropique ont induit un remplacement
des populations plus important que les processus écologiques naturels. Pour terminer,
j’ai mené une étude de démographie comparative d’espèces d’arbres tropicaux à l’échelle
régionale de la Guyane française. Cinq scénarios démographiques ont été testés pour
neuf populations de huit espèces en utilisant des microsatellites nucléaires et des
séquences chloroplastiques. Les changements démographiques les plus récents détectés
convergent vers une signature générale d’expansion de la forêt humide depuis probablement
la dernière glaciation. Cela peut suggérer, soit que la composition des forêts du
plateau des Guyanes était différente, ou que le couvert forestier était moins étendu.
Ce résultat constitue le premier indice de changement passé, probablement d’origine
climatique, subi par les communautés forestières du plateau des Guyanes ; qui n’avait
jusque-là pas pu être testé avec des méthodes standards en raison d’un manque de fossiles.
En conclusion, j’ai recueilli des preuves génétiques que les perturbations, à différents
échelles de temps, ont marqué la structure et la composition génétique des forêts
du plateau des Guyanes. L’application de ces méthodes à d’autres régions Néotropicales
pourrait contribuer, à l’avenir, à reconstruire l’histoire écologique de la forêt
amazonienne de façon détaillée.
Note publique d'information : The current tree species distribution in Amazonian tropical rainforests is the outcome
of dynamic processes in which past perturbations, climatic or anthropogenic, may have
played a major role. Currently available genetic tools associated with powerful analytical
methods allow inferring and dating the genomic imprint of demographic events undergone
by natural populations. The aim of my thesis is to contribute to an overview of the
demographic evolution of the tropical rainforest in the Guiana shield during the Quaternary.
I have first studied the properties of microsatellites or Simple sequence repeat (SSR)
and the limits in their applications as molecular markers in phylogeography. Several
SSR alleles in multiple populations of three divergent tree genera have been sequenced
and the sources of polymorphisms, carried by each portion of SSR-containing DNA amplicons,
have been broken apart. I have observed that the amount of variation was as large
in flanking regions as in the SSR itself. The former contributed significantly to
the phylogenetic information and sometimes was the main source of differentiation
among individuals and populations. This experiment allowed me to choose the best strategy
to treat SSR variation in demographic modeling. I have subsequently used SSR markers
and ABC methods to study the impact of pre-Columbian human settlements at the local
level on rainforests in French Guiana. Demographic changes undergone by populations
of four tree species were compared between five settled and four undisturbed sites.
Both natural turnover and human-induced disturbances appeared as shaping currently
observed genetic diversity, with signatures of founder effect both at disturbed and
undisturbed sites. Nevertheless, the size of founding populations appeared to be proportional
to the estimated human impact, suggesting that human-made disturbance caused deeper
population turnover than background ecological processes. Finally, I have conducted
a comparative demography study of tropical tree species at the regional level across
French Guiana. Five demographic scenarios have been tested for nine populations from
eight species using both nuclear microsatellites and chloroplastic sequences. The
most recent demographic signals detected converge on a global signature of expansion
of the rainforest since probably the last glaciation. This finding can suggest either
that the composition of the Guiana shield rainforests was different, or that its global
extent was smaller, during earlier epochs of the Pleistocene than today. This result
is the first firm indication of changes undergone by the forest communities of the
Guiana shield in the distant climatic past – something which could not be tested with
standard methods due to almost complete lack of fossil evidence. In conclusion, I
have gathered genetic evidence that disturbances, both in historical and geological
times, have marked the structure and composition of forests in the Guiana shield.The
extensive application of these methods to other regions of the Neotropics maycontribute,
in the future, to the detailed reconstruction of the ecological history ofAmazonian
forests.