Note publique d'information : Le delta de la rivière Kaveri, vaste région fertile du Tamil Nadu, est en Inde du
Sud l’un des berceaux de la culture brahmanique et, par extension, des traditions
musicales karnatiques. Les sonneurs-batteurs du periya mēḷam, hautboïstes et percussionnistes
de profession, traditionnellement attachés aux temples hindous de hautes castes, revendiquent
ici – en référence à leur appartenance sociale et vis-à-vis de leurs collègues et
voisins – leur suprématie en termes de connaissance et de compétence : connaissance
du culte et de son répertoire, compétence instrumentale et expertise du domaine musical
savant. Ce discours, récurrent et diversement illustré, n’a rien d’anodin : il est
étroitement lié à des conditions de vie (socialement et historiquement marquées),
un contexte religieux (le culte āgamique de Śiva), et une pratique artistique qui
renvoie à des codes et des savoir-faire, un mode de transmission, une esthétique.
Comprendre ce que disent et ce que font les musiciens nécessite donc – via l’utilisation
de différents outils d’enquête (observation participante, entretiens, apprentissage
du hautbois nāgasvaram, enregistrements in situ et sur demande, analyses, etc.) –
une étude à la fois indépendante et connexe de la musique et du contexte culturel.
Monographique, ce travail invite donc aussi le lecteur à des questionnements méthodologiques
plus larges concernant une discipline. Le dernier chapitre montre par exemple, à travers
l’analyse syntactique d’un rituel et l’impact de celui-ci sur une forme musicale,
de quelle façon les musiciens sont amenés à élaborer diverses stratégies performatives
et, au-delà, comment musique et contexte peuvent être concrètement connectés afin
d’apparaître – plus justement – comme deux éléments d’une même totalité.
Note publique d'information : The delta of the Kaveri River, vast and fertile area of Tamil Nadu, is one of the
major birthplaces of the brahmanical culture and, by extension, of karnatic musical
traditions. Oboists and percussionists of the periya mēḷam orchestra are professional
musicians traditionally attached to high-caste Hindu temples and claim here – in reference
to their social status and towards their colleagues and neighbours – their supremacy
regarding their knowledge of the Hindu cult and its repertory, their instrumental
and technical competences and their expertise in the grammar of classical music. This
discourse, recurrent and variously illustrated, is not innocent: it is in fact closely
linked to life conditions (socially and historically distinct), a religious context
(the āgamic cult of Śiva), and an artistic practice which refers to a multitude of
codes, a mode of transmission, an aesthetic. Therefore, understanding the world and
conceptions of musicians require – via the utilisation of different methods (participative
observation, formal or informal conversations, nāgasvaram oboe training, recordings
in situ or on request, musical transcriptions and analysis, etc.) – a study at the
same time independent and related of the music and the cultural context. This monographic
work also invites the reader to larger methodological reflexions regarding a discipline,
i.e. ethnomusicology. The last chapter, for instance, shows through the syntactic
analysis of a ritual and its impact on a musical form, how musicians are induced to
elaborate various performative strategies and, beyond, how music and context can be
truly connected in order to appear as two elements of a same whole.