Note publique d'information : Le génome des Vertébrés est composé d’une large fraction (5-10%) de rétrovirus endogènes,
qui résultent d’infections de la lignée germinale par des rétrovirus infectieux. Si
la majorité de ces éléments est inactive, quelques rares gènes de rétrovirus endogènes
ont conservé une fonction au cours de l’évolution, suggérant un rôle bénéfique de
ces séquences pour l’hôte. C’est le cas des Syncytines, des protéines d’enveloppe
codées par des rétrovirus endogènes, capables d’induire la fusion cellulaire, exprimées
dans le placenta, et nécessaires à la formation d’une couche de cellules fusionnées
à l’interface foeto-maternelle placentaire, le syncytiotrophoblaste. Des captures
indépendantes de gènes de Syncytine ont été découvertes chez les primates, les rongeurs,
les lagomorphes, les carnivores et récemment les tenrecs. Une hypothèse récente propose
que ces gènes participent à la remarquable diversité des structures placentaires des
Mammifères. Ce manuscrit décrit les travaux qui ont conduit à l’identification d’un
gène de Syncytine dans le génome des Ruminants. Les Ruminants possèdent un placenta
original de type synépithéliochorial, unique parmi les Euthériens, où des cellules
binucléees du trophectoderme foetal migrent et fusionnent avec les cellules utérines
maternelles, ce qui conduit à la formation de cellules trinucléées – chez la vache
- ou à des plaques syncytiales – chez la brebis -. Une recherche in silico de gènes
d’enveloppe de rétrovirus endogènes codants dans le génome bovin (Bos taurus) a identifié
18 gènes env candidats. Un d’entre eux, nommé Syncytin-Rum1, présente une expression
spécifique du placenta, révélée par une analyse de RT-PCR quantitative sur un large
panel de tissus. Le gène Syncytin-Rum1 est conservé dans le génome ovin. Les gènes
Syncytin-Rum1 ovin et bovin sont fusogènes : ils sont capables de rendre une particule
rétrovirale infectieuse, et de provoquer une fusion cellule-cellule. Dans le placenta,
les transcrits de ces gènes ont été localisés par hybridation in situ dans les cellules
binucléées foetales, ce qui est compatible avec un rôle du gène Syncytin-Rum dans
la formation des cellules trinucléées (vache) ou des plaques syncytiales (brebis).
Enfin, le gène Syncytin-Rum1 est fonctionnel chez les 16 espèces de Ruminants supérieurs
analysées, ce qui indique qu’il s’est intégré dans le génome d’un ancêtre commun à
ces Ruminants, il y a plus de 30 millions d’années. Notre travail apporte, pour la
première fois, une explication moléculaire à la formation des structures syncytiales
tri- ou multi-nucléées au sein du placenta des Ruminants, et renforce l’hypothèse
selon laquelle les captures de gènes de Syncytine jouent un rôle majeur dans l’évolution
de la placentation des Mammifères. Il fournit en outre un gène candidat fonctionnel
pour des études d’infertilité bovine et ovine pre-partum.