Note publique d'information : Les lacs d'altitude sont soumis à des retombées atmosphériques de polluants organiques
persistants (POP) issus pour la plupart des activités humaines malgré leur éloignement
des sources d'émissions de ces composés. Si les mécanismes de transport atmosphérique
de ces polluants jusqu'aux sites d'altitude sont désormais bien connus (« global distillation
» ou « grasshopper effect »), on dispose en revanche de très peu d'informations quant
à leur devenir dans ces écosystèmes montagnards. Le travail présenté a pour objectif
de déterminer les processus internes au lac influençant le devenir de ces polluants,
avec un accent plus particulier sur leurs interactions avec les phases organiques
et leur intégration dans les réseaux trophiques. En raison de leurs propriétés physico-chimiques
très variables entre congénères (e.g., peu à très hydrophobes), les polychlorobiphényles
(PCB) ont été choisi comme modèles de POP.L'étude a été conduite sur deux lacs alpins
du Parc National des Ecrins (Isère, France): le lac de la Muzelle (2110 m) et le lac
de Plan Vianney (2250 m). Le suivi en 2012 et 2013, à fréquence saisonnière,des concentrations
en PCB des composants biologiques, des fractions particulaires et dissoutes et des
flux atmosphériques déposés sur les lacs a permis d'évaluer à la fois les variations
saisonnières, interannuelles, et entre les lacs, de la contamination de la faune piscicole
et de les relier aux intrants atmosphériques et aux processus biogéochimiques lacustres.Nos
résultats identifient la fonte du manteau neigeux comme vecteur rapide et important
de transfert des PCB atmosphériques aux lacs d'altitude (40% des apports annuels en
seulement 2 à 3 semaines). Le bilan de masse révèle aussi que les flux de PCB entrants
sont supérieurs aux flux sortants des lacs et met ainsi en évidence leur rôle de puits
de PCB atmosphériques. La distribution des PCB entre les phases "particules" et "eau"
varie à la fois entre lacs et saisons, révélant une succession d'équilibre et de non-équilibre
thermodynamiques. En effet, la couverture de glace en hiver isole les lacs de l'atmosphère
et donc des sources de polluants, permettant aux PCB d'atteindre l'équilibre thermodynamique
de partition entre les phases particulaire et dissoute. A l'opposé, en périodes d'eaux
libres, les paramètres d'influence de l'adsorption des PCB sur la matière particulaire
(température, concentration et nature des particules, concentration de PCB) répondent
à la variabilité environnementale, empêchant l'atteinte de l'état d'équilibre. Enfin,
si la contamination de la faune piscicole varie tant entre lacs qu'entre saisons,
l'absence de relation entre concentrations en PCB et divers indicateurs trophiques
(composition en isotopes stables du carbone ou biomarqueurs lipidiques) révèle que
cette contamination ne dépend ni de l'habitat ni de la variabilité trophique des individus.
Au contraire, la contamination de la faune piscicole est liée à la concentration des
polluants en phase dissoute. Dans les lacs d'altitude, les POP, même s'ils sont présents
à faible concentration, seraient donc essentiellement transférés à la faune piscicole
par un phénomène de bioconcentration et non par un mécanisme de bioaccumulation.Nos
résultats mettent en évidence la nécessité de mieux connaître l'éco-dynamique des
POP, y compris dans les milieux faiblement contaminés. Dans un contexte de changement
global pour lequel les intrants dans les écosystèmes d'altitude risquent de varier
en intensité ou en temporalité, ces connaissances permettront (i) d'évaluer le rôle
futur des lacs comme puits ou sources secondaires de POP pour l'atmosphère et (ii)
prévoir l'évolution des niveaux de contamination de la faune piscicole dans les écosystèmes
aquatiques éloignés des sources de production.
Note publique d'information : Altitude lakes undergo atmospheric deposition of persistent organic pollutants (POPs)
resulting mainly from human activities despite their distance from emission sources.
If the mechanisms driving the atmospheric transport of these pollutants to altitude
environment are now fairly known ("global distillation" or "grasshopper effect"),
there is still few information about their fate in these mountain ecosystems. This
work aims to identify the internal lake processes influencing the fate of POPs, with
a particular focus on their interaction with the organic phases and their integration
into food webs. Due to their variability of physico-chemical properties between congeners
(e.g., less to more hydrophobic), polychlorinated biphenyls (PCBs) have been chosen
as POP models.The study was conducted on two alpine lakes from the National Park of
Ecrins (Isère, France): Lake Muzelle (2110 m) and Lake Plan Vianney (2250 m). A monitoring
was conducted in 2012 and 2013 to assess PCBs concentration in aquatic organisms,
particulate and dissolved fractions and atmospheric PCBs inputs. Thus, seasonal, interannual
and inter-lakes variability of PCBs level in fish have been assessed and linked to
atmospheric inputs and biogeochemical lake processes.Our results show that snowmelt
corresponds to an important and sudden flux of PCBs to altitude lakes (40% of annual
contributions during the few weeks of spring thaw). Mass balance also reveals that
PCBs inputs are higher than outputs, highlighting the role of altitude lakes as atmospheric
PCBs sinks. PCBs partition between particulate and dissolved phases varies both between
lakes and seasons, revealing a succession of thermodynamics equilibrium and non-equilibrium.
In fact, when lakes are ice-covered, the water column is isolated from the atmosphere
and therefore from sources of pollutants, allowing to reach a thermodynamic equilibrium
partition of PCBs between the particulate and dissolved phases. On the contrary, when
lakes are ice-free, parameters affecting PCBs adsorption on particulate matter (temperature,
concentration and nature of the particles, PCBs concentration) are subject to environmental
variability, preventing chemicals to reach thermodynamic equilibrium. Finally, even
though PCBs fish contamination varies both between lakes and between seasons, the
lack of relationship between PCBs concentrations and trophic indicators (stable isotope
composition of carbon or lipid biomarkers) highlights that fish level of PCBs does
not depend on habitat use and inter-individual trophic variability. In contrast, the
PCBs concentration in fish is related to the concentration of pollutants in the dissolved
phase. In altitude lakes, even though POPs are presented at low concentrations, these
chemicals are mainly transferred to the fish compartment by bioconcentration rather
than bioaccumulation.These results highlight the need to improve our knowledge on
POPs ecodynamics even in low contaminated environments. In a context of global change
for which pollutant inputs in altitude ecosystems might vary in intensity or temporality,
this research appears essential to (i) assess the future role of altitude lakes as
atmospheric POPs sinks or secondary sources and (ii) predict any modification of PCBs
levels in fish in remote aquatic ecosystems.