Note publique d'information : En tant qu'espèces pérennes, les arbres sont vulnérables aux contraintes de l'environnement
et aux événements climatiques extrêmes, susceptibles de devenir plus violents et plus
fréquents dans le contexte actuel de changement climatique. Le bois, ou xylème secondaire,
a permis aux arbres d'atteindre des hauteurs et des durées de vie considérables. Il
est généré par l'activité d'un méristème secondaire interne, le cambium vasculaire
qui assure la croissance radiale du tronc. Pendant la xylogénèse, les cellules cambiales
se divisent et grandissent, puis s'entourent d'une paroi secondaire. Pour la plupart
d'entre elles ce processus de différentiation s'achève par la mort cellulaire. La
paroi secondaire est composée de lignine, un polymère hydrophobe de monolignols issus
de la voie des phénylpropanoïdes, et de polysaccharides (cellulose et hémicelluloses).
La différenciation du cambium donne naissance à un tissu hétérogène formé de types
cellulaires spécialisés, remplissant des fonctions essentielles à la physiologie de
l'arbre : les vaisseaux pour la conduction de l'eau et de la sève, les fibres pour
le soutien mécanique et les cellules de rayons pour le stockage et le transport de
photoassimilats. La formation du bois est finement régulée dans le temps et dans l'espace
par un réseau hiérarchisé de facteurs de transcription (FTs). Certains signaux peuvent
co-opter les gènes de ce réseau de FTs, conduisant à des modifications du dépôt de
paroi secondaire et contribuant à une adaptation fonctionnelle de l'arbre vis-à-vis
de contraintes de l'environnement. Le rôle de ces reprogrammations transcriptionnelles
et le remodelage des tissus du bois qu'elles entrainent restent méconnues. L'Eucalyptus,
grâce à sa croissance rapide et à son bois de qualité, est le feuillu le plus planté
au monde à des fins industrielles. Cependant, son expansion dans l'hémisphère nord
est limitée par sa sensibilité au gel. Contrairement aux feuillus des régions tempérées,
l'Eucalyptus ne met pas en place de mécanismes d'endodormance, ce qui le rend particulièrement
sensible aux événements de gel. Cette croissance continue en fait un candidat de choix
pour l'étude de l'influence des basses températures sur la formation du bois. En effet,
en réponse au froid, les cellules du xylème forment une paroi secondaire plus épaisse
et plus lignifiée. Par ailleurs, la surexpression d'un membre clé de la réponse au
froid chez les plantes, un FT de la famille CBF, exprimé spécifiquement dans le bois,
mime l'acclimatation au froid chez l'Eucalyptus. Non seulement sa surexpression confère
une meilleure tolérance au stress gélif mais elle modifie également la structure et
la composition du bois. L'objectif de ce travail de thèse est de comprendre comment
ce FT CBF peut contribuer au remodelage du xylème secondaire en réponse au froid.
Nous avons utilisé un large panel de méthodes ciblées et non ciblées pour montrer
que le froid et le gel conduisaient au dépôt d'une paroi secondaire épaisse, avec
une composition en lignine et en polysaccharides modifiée, ainsi qu'à une altération
de la taille et de la densité des vaisseaux chez un hybride d'Eucalyptus tolérant
au gel. Pour décortiquer le rôle des CBF dans ce mécanisme, et identifier les cibles
directes de CBF qui pourraient altérer la différentiation du xylème secondaire, nous
avons combiné des approches de transcriptomique et de DAPseq. Parmi les cibles directes
de CBF, nous avons identifié des candidats prometteurs, impliqués dans le processus
de xylogénèse, qui pourraient contribuer aux modifications de structure et de composition
du bois observées en réponse au froid. Nos résultats mettent en avant une interaction
entre la signalisation de la réponse au stress et la formation du bois, apportant
de nouvelles preuves quant à la contribution de ce tissu dans la tolérance aux stress
abiotiques chez les plantes.
Note publique d'information : As long-lived organisms, trees are particularly vulnerable to environmental constraints
and extreme weather events, which are thought to become more frequent and more severe
in the on-going context of global climate change. Wood, or secondary xylem, has enabled
trees to reach considerable heights and lifespans. It is generated by an internal
secondary meristem, the vascular cambium which ensures trunk radial growth. During
xylogenesis, cambial cells divide and expand, and a thick secondary cell wall (SCW)
is deposited. For most cells, this differentiation process ends with programmed cell
death. The SCW is composed of lignin, a hydrophobic polymer made of monolignols originating
from the phenylpropanoid pathway, and cell wall polysaccharides (cellulose and hemicelluloses).
Cambium differentiation results in the production of a heterogeneous tissue composed
of specialized cell types, fulfilling crucial roles in tree physiology: vessels for
water and sap transport, fibres for mechanical support and ray cells for photoassimilates
transport. Wood formation is tightly regulated in time and space by a multi-layered
and hierarchized transcriptional regulatory network (TRN). Various cues can co-opt
genes of this TRN, leading to alterations of SCW deposition and contributing to tree
functional adaptation to environmental constraints However, the role of this transcriptional
reprogramming and the resulting wood remodelling are still poorly understood. Eucalyptus,
due to its outstanding growth and great wood properties, has become the most planted
tree worldwide for industrial purposes. However, its expansion in the northern hemisphere
has been limited by its frost sensitivity. Contrary to woody perennials from temperate
regions, Eucalyptus does not undergo endodormancy to cope with winter conditions,
rendering it particularly exposed to frost events. Its continuous growth makes it
a useful tool to study cold influence on wood formation. Indeed, in response to cold,
xylem cells develop a thicker and more lignified cell wall. Besides, overexpression
of a key player in cold response in plants, a transcription factor called CBF, specifically
expressed in woody tissues, mimics cold acclimation in Eucalyptus. Not only does the
overexpression of this CBF TF trigger increased freezing tolerance but it also modifies
wood structure and composition. The aim of this PhD work was to understand how this
TF CBF can contribute to secondary xylem remodelling in response to cold. We used
a broad panel of targeted and non-targeted methodologies to show that chilling and
freezing temperatures induce the deposition of a thick SCW with altered lignin and
polysaccharides composition, as well as modifications of vessels size and density
in a cold-tolerant Eucalyptus hybrid. To decipher CBF role in cold-induced SCW remodelling
and identify direct targets of CBF that could alter secondary xylem differentiation,
we combined trancriptomic and DAPseq approaches. Among CBF direct targets, we found
promising candidates related to SCW deposition and hormonal signalling pathways. Our
results shed new light on the interplay between stress signalling and wood formation,
and bring new evidences for the role of cell wall in plant abiotic stress tolerance.